mardi 17 janvier 2012

Le nord Vietnam

Professeur de Français en Chine populaire, je décide de profiter de la proximité du Vietnam pour aller passer mes vacances dans ce pays si attirant à mes yeux par tant de souvenirs familiaux.
Kunming, ville du printemps éternel, au sud de la Chine dans le Yunnan, est relié à Hanoï par la première ligne de chemin de fer chinoise construite par les Français au début du siècle pour favoriser le commerce au sein du Tonkin. C'est une ligne plus étroite que les autres, car l'écartement des voies chinoises est plus grand qu'en France ou en Europe en raison des craintes d'une éventuelle invasion ! C'est toutefois par ce train particulièrement pythique que je me rends au Vietnam, train parait-il dangereux car des trafics louches s'y pratiquent régulièrement..., mais c'est une invitation pour ceux qui ont le goût du risque. N'ayant pu obtenir, malgré plusieurs heures d'attente, qu'une place sur des sièges durs, je jouirai toutefois durant 18 heures du spectacles peu commun que me procure mes compagnons de voyage. En face de moi, un jeune homme au crâne rasé sort d'un monastère bouddhiste pour rendre visite à sa famille. Il a l'air calme et ravi de ceux qui ont longtemps été coupés du monde bruyant. A côté de nous, quatre amis jouent aux cartes, et c'est à celui qui jettera sa carte le fort avec force cris. Les autres passagers sont assez passifs et dorment ça et là. L'inconfort des sièges pousse certains à se coucher à même le sol, ou dans les paniers à bagages au-dessus de nos têtes. S'ils ne dorment pas, ils mangent ou se parlent à tue-tête d'un bout à l'autre du wagon, ce qui me pose quelques problèmes pour tenter de m'endormir.
Notre train se promène tranquillement au milieu des rizières et d'une jungle épaisse et verdoyante. Hekou, dernière gare chinoise, le train stoppe : il ne traverse plus le pont frontière depuis longtemps. Alors je l'emprunte à pied. Je suis arrêtée par une journaliste de la CCTV, la chaine nationale de la tv chinoise: elle m'interroge alors sur mes raisons de me rendre au Vietnam ainsi que sur mon opinion générale sur la Chine. Elle insiste également pour que je m'exprime un peu en Chinois...j'apprendrai à mon retour en Chine que ce 28 avril 199., plus d'un milliard de Chinois m'auront vue sur leur petit écran!

De Hanoï à Halong

Du côté vietnamien, la gare de départ pour Hanoï est Lao Caï. Encore 11 heures de voyage, toujours assise. Mais la vie qui règne dans le train et dans les gares accroche en permanence mon attention. Je suis particulièrement émerveillée par la gaieté des Vietnamiens ainsi que la finesse de leurs traits.
A Hanoï, je fuis l'assaut des taxis et autres cyclos-pousse pour me dégourdir les jambes et tenter de trouver un hôtel convenable. Une horde d'enfants me sollicite à tout moment pour essayer de me vendre de menus objets. Finalement je crauqe pour un phrasebook anglo-vietnamien que je paye d'ailleurs 10 fois le prix réel.
Logeant près de la cathédrale Saint-Joseph, j'assiste à la messe de Pâques. L'église est comble, et ici encore, les hommes se placent à gauche de la nef, les femmes à droite. Ces dernières ont revêtu pour la plupart la tenue traditionnelle: longue robe cintrée et fendue le long de la jambe, recouvrant un large pantalon. Elles sont vraiment charmantes.
Durant deux jours, je pars à la découverte de la capitale du nord, appréciant la foule qui grouille et s'affaire dans telle ou telle rue aux commerces spécialisés. La baie d'Halong est ma prochaine destination.
Par un beau matin chaud et humide, je quitte Hanoi pour rejoindre la mer de Chine. Il me faut traverser de nombreuses rivières. Alors que j'emprunte le énième bac de ma progression, je fais connaissance d'un jeune étudiant en médecine qui se prénomme Giang. Il habite Halong où sa famille tient un petit hôtel familial. Il ne me lâche plus d'une semelle durant tout mon séjour à Halong et m'emmène chez ses amis. Malgré la langue qui m'est inconnue, je saisis rapidement que ses amis lui conseillent de tenter de me "garder"! Toutefois, et grâce à eux, j'obtiens un bateau pour sillonner cette baie fabuleuse durant une journée. Le lendemain, nous échangeons nos adresses et me voici à nouveau sur les routes, cette fois à bord d'un bus qui relie Hoa lu, l'ancienne capitale. Ces huit heures de bus au confort très spartiate sont une réelle épreuve car je suis traitée comme un vulgaire sac de riz, n'ayant de répit que lors des passages de rivières durant lesquels les passagers abandonnent le bus pour prendre des bacs...

Péripéties vietnamiennes

C'est à Ninh Binh, à côté de Hoa Lu, que l'aventure commence.
Alors que j'aborde la ville en moto-taxi, le pilote d'une autre moto se met à ma hauteur et me persuade d'aller tout bonnement déposer mes bagages dans son hôtel. Toujours en marche, je négocie le prix de la chambre. Lorsque j'obtiens le prix adéquat, je demande à mon chauffeur de se rendre à l'hôtel. J'y dépose mon sac et repars visiter les tombeaux des anciens rois du Vietnam. Là, un garçon d'une dizaine d'années se propose de me guider. Dans un français très correct, il m'explique avec force détails la vie des rois. Il me dirige à travers les rizières vers l'ensemble des temples et des monuments. Du haut d'une colline, il me désigne bientôt ses deux écoles: l'une vietnamienne, l'autre française.
De retour à Ninh binh, je suis invitée par mes hôtes de l'hôtel ainsi que le "dragueur" de clients. Durant le repas, ce dernier me raconte sa dernière visite à Dien Bien Phu en moto ainsi que mille autres aventures. Il me précise également que pour se rendre à Hué, il faut un minimum de 20 heures de bus. Devant une telle perspective, j'abandonne le projet de m'y rendre, me remémorant mon dernier trajet en bus local!
C'est alors que germe dans mon esprit l'idée folle de lui demander de me conduire à Dien Bien Phu avec sa moto, puis peut-etre jusqu'à la frontière chinoise, réalisant ainsi le tour des montagnes du nord-Vietnam...Il accepte et déjà nous planifions notre voyage de mille kilomètres en 1 semaine. Avant de me lancer dans une telle aventure, je teste mon futur pilote en lui demandant de me conduire le lendemain à Phat Diem, berceau de catholicisme vietnamien. J'y visite un séminaire de de nombreuses églises de style gothique et oriental, mélange original non dépourvu de charme. Deux jours plus tard , c'est le grand départ. Je m'achète un casque vert colonial de l'armée pour me protéger tant du soleil que d'éventuels coups durs.

Expédition dans le Nord

Cette longue chevauchée de sept jours à deux sur la même moto nous entraîne dans une drôle d'expédition. Nous nous perdons dans la jnugle, franchissant des montagnes, longeant et surplombant des vallées encaissées verdoyantes et scintillantes de mille rizières inondées. Chaque soir, au coucher du soleil, fourbus et poussiéreux, nous demandons aux habitants des villages regroupant des minorités ethniques de nous offrir le gîte. Je goûte alors aux délices d'une hospitalité simple et généreuse. Dans les maisons à majorité construites sur pilotis, seulement une ou deux pièces abritent la famille: la salle commune et la cuisine. A la nuit, on déplie les couchettes aux quatre coins de la pièce principale. En toute simplicité, je m'allonge pour la nuit sur une natte en compagnie soit de la mère de famille, soit des filles, soit des enfants; Xuan, mon chauffeur, rejoint bien entendu les hommes. Un paquet de cigarettes et un autre de bonbons payent notre nuit d'hébergement ainsi que les repas partagés avec la famille. Repas préparé sur un feu de bois disposé au beau milieu de la cuisine, dans une maison entièrement en bois! Un soir, au sein d'une famille de douze enfants, notre dîner se compose d'un bol de riz par personne, le tout accompagné de petits poissons grillés disposés dans un autre bol au centre de la table. J'ai l'honneur d'y plonger mes baguettes la première, mais avant de manger, je regarde quand même ce que j'ai pêché. Dans la faible lumière ambiante, je distingue un cafard grillé!
La rivière est notre salle de bain. A l'heure des abllutions, je pars avec la mère de famille qui a eu la gentillesse de me prêter une jupe traditionnelle qui s'enroule autour de la taille. Pour le bain, on la remonte aux épaules et on peut ainsi se laver. Peu habituée à ce genre de rideau de douche, ma gaucherie amuse les femmes du village qui m'accompagnent dans une joyeuse ambiance de jeunes filles. J'aperçois quelques hommes qui n'ont pas pu résister à la tentation de venir voir en cachette cette drôle de Française! L'heure suivante, ce sera le bain au masculin. Chaque matin, la famille se lève à l'aurore et la mère est déjà sur pied avant 5 heures pour réchauffer les restes de la veille qui composent le petit-déjeuner.
Nous repartons aussitôt après.
Sur une portion de route en meilleur état que de coutume, Xuan me laisse les commandes de la moto. Rien de compliqué, mais toutefois, lancée à grande vitesse, je ne peux éviter un énorme nid de poule qui fait décoller la moto. Xuan me crie de rétrograder, mais trop tard, la moto retombe sur ses deux roues, sans autre dommage que la peur. Le pilote reprend les commandes...
Tout le long de la route cahotante,nous croisons des paysans qui se rendent aux champs. La plupart sont des femmes. Elles sont toutes revêtues d'habits traditionnels qui permettent de définir leur ethnie. Parfois ma présence les effarouche quelque peu. A mieux y regarder, mon teint mat et mes cheveux noirs sont souvent le meilleur des passeports pour être l'une des leurs ou du moins de passer pour une métisse.
C'est à quelques kilomètres de la frontière chinoise que notre moto "Sapa" nous fait défaut. Sous une pluie torrentielle, elle refuse catégoriquement d'avancer malgréla tenacité de Xuan. Heureusement, un camion bâché nous croise peu après et nous embarque tous les trois. Assis sur des sacs de riz, trempés jusqu'aux os et transis de froid, nous sommes projetés à chaque instant d'un bord à l'autre du camion lors de la progression sur une chaussée défoncée. Deux heures de ce régime nous permettront de franchir les quarante derniers kilomètres.
Un jour de repos bien mérité à Sapa, qui me fait penser à un petit village autrichien. Xuan me dépose ensuite devant le pont-frontière sino-vietnamien avant de repartir chez lui à Ninh binh via Hanoï.
Je garde son adresse pour lui envoyer des photos. La séparation est un peu triste, quoique à quarante ans, les Vietnamiens ne sont plus trop sentimentaux. Sauf au beau milieu de la jungle, dans un minuscule village, où il me proposa de nous arrêter là, de construire notre paillotte et de couler des jours heureux...